Mercredi 1 juillet 2020, le Sénat examinait en première lecture les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Dans ce cadre, je suis intervenue en discussion générale sur la notion d’autonomie dont l’introduction à l’Assemblée nationale par voie d’amendement de la création d’une 5 ème branche de la Sécurité sociale.
Texte de l’intervention, seul le prononcé fait foi :
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, Cher·e·s collègues,
Le projet de loi relatif à la dette sociale comporte un volet dédié à la reprise de cette dette. Mon collègue Yves Daudigny a exprimé tout à l’heure la ferme opposition de notre groupe. Pour ma part je vais évoquer l’aspect relatif à la perte d’autonomie.
Ce n’est une surprise pour personne. Il existe bien un besoin social concernant la prise en charge de la dépendance liée à l’âge.
Le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie devrait passer de 2,5 millions en 2015 à près de 4 millions en 2050.
C’est la traduction de la longévité de notre population et il faut s’en réjouir. Mais nous savons que cette période de la vie peut être source d’inquiétude, pour les plus vieux comme pour leurs proches, et leurs familles. La survenue des premiers signes de perte d’autonomie frappe de façon inégale la population, à des âges plus ou moins avancés.
La prise en charge financière de la perte d’autonomie est complexe.
L’évaluation du degré de dépendance est fixé par les grilles GIR, (Groupe Iso Ressources) :
Elles ne sont, il faut en convenir, qu’un instrument administratif d’affectation du soutien, de la compensation que peut fournir le secteur sanitaire et médico-social : l’aide apportée par les auxiliaires pour les gestes du quotidien au domicile, et, pour les aînés les plus dépendants, dans les EHPAD.
Le reste à charge des coûts pour les bénéficiaires est varié. Il dépend du degré de dépendance, des ressources personnelles et du lieu de prise en charge.
Par ailleurs, le vieillissement est une source de fatigue pour les aidants, le conjoint ou les enfants, qui s’usent prématurément, « par porosité », comme le dit la philosophe Cynthia Fleury.
Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire d’un statu quo : la reconnaissance d’une 5 ème branche, et du risque autonomie doit permettre une meilleure couverture des frais nécessaires et une sanctuarisation des moyens.
Il y a un risque de perte d’autonomie lié à l’âge : ne plus pouvoir s’habiller seul, découper sa viande, laver son assiette, remplir son caddie, devoir être accompagner pour se déplacer, se laver…
Décrite ainsi, il est évident que la perte d’autonomie peut en réalité survenir à tout âge de la vie, dès lors qu’on est affecté par le handicap. Selon les socialistes, le risque autonomie doit intégrer cette dimension. C’est l’occasion de lisser les différences de droit selon que l’on rentre ou pas dans l’une ou l’autre des cases.
Ce risque lié au handicap est à ce jour insuffisamment couvert : c’est ce que nous dit le collectif Handicaps. Il formule des recommandations auxquelles il faudra répondre. Droit universel dès la petite enfance, reste à charge zéro, financement assuré par la solidarité nationale, équité sur les territoires, respect des droits et choix des individus concernés… pour tout cela, le secteur associatif devra être associé aux futurs travaux.
Mes cher·e·s collègues, l’adaptation de la société au vieillissement n’est pas un enjeu nouveau et n’a pas été laissé de côté par les précédents gouvernements : c’était d’ailleurs l’intitulé de la loi que nous avons portée. Elle a permis de changer de regard sur cette tranche d’âge, a impulsé une dynamique de prévention et de lutte contre l’isolement. La loi a également relevé les plafonds de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile pour près de 700 000 bénéficiaires.
Aujourd’hui, résolus à poursuivre dans cette voie, les socialistes sont favorables, pour la gestion de ce nouveau risque, à la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale :
Le premier enjeu sera d’assurer une gestion démocratique, paritaire, plaçant les usagers au coeur des décisions.
Le second enjeu est évident, il s’agira d’assurer des recettes suffisantes à cette nouvelle branche. À ce stade, nous sommes réservés : l’abondement de 0,15 point de CSG ne couvre évidemment pas les besoins supplémentaires, cela a été dit et répété.
La préfiguration devra identifier ces ressources.
D’autres pistes pourront et devront être évoquées : financement par de la branche maladie, avec d’autres cotisations, quid de la solidarité nationale ?
il faut le dire : nous sommes dans le flou face à cette improvisation soudaine de votre gouvernement.
Vous profitez d’un transfert de dette sociale – inacceptable – pour poser la première pierre d’un chantier pharaonique, et nous ne sommes pas dupes de vos intentions.
Nous craignons donc que vous ne bâtissiez que le rez-de-chaussée d’une branche de la Sécurité sociale. Et qu’il revienne aux futurs assurés sociaux d’étayer le financement par une « complémentaire autonomie », source d’injustice sociale et de creusement d’inégalités.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le ministre, si la maitrise d’ouvrage vous revient, sachez que la maitrise d’œuvre devra compter sur toutes les énergies vigilantes, dont la nôtre. Je vous remercie de votre attention.
Une réponse sur “Dette sociale et autonomie : deux textes qui méritent toute notre vigilance”