Y aller et en sortir le jour même… ce n’est pas commun de rentrer en détention et d’en ressortir libre quelques heures plus tard. C’est pourtant l’expérience que j’ai vécue hier à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) situé à Orvault.
Dans le cadre des prérogatives dévolues aux parlementaires, j’ai exercé hier mon droit de visite des lieux de privation de liberté, pour la troisième fois depuis 2011.
C’est donc empreinte d’une grande responsabilité que je me suis rendue dans cet établissement carcéral un peu particulier : sa fonction étant la détention de mineurs – assurée par l’administration pénitentiaire, la justice pénale des mineurs s’y exerce et accorde la plus grande importance à la mission éducative, assurée par la protection judiciaire de la jeunesse. En parallèle, la mission d’enseignement est également assurée par une équipe enseignante spécialisée de l’Éducation nationale. La santé des détenus n’est pas en reste, du personnel médical vient parfaire l’accompagnement le plus individualisé des jeunes détenus, souvent vulnérables sur le plan sanitaire.
L’exercice de ce droit de visite m’a permis, grâce à un échange approfondi avec ces professionnel·le·s des domaines carcéral, éducatif et enseignant, de percevoir leur engagement au quotidien, tant dans la mission de sécuriser la société – en tenant à l’écart des détenus que la Justice a écroués – que dans les missions d’insertion sociale et de prise en charge éducative de ces jeunes délinquants. L’essence de la justice pénale des mineurs, issues des ordonnances de 1945, demeure le fondement de l’intervention des équipes de la PJJ, en ce en dépit du renforcement du volet répressif, depuis la réforme mise en œuvre par le Garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti en 2021. J’ai noté également un fort attachement à la philosophie de la justice restaurative, manière de mettre en évidence auprès du jeune délinquant l’existence de la victime de ses actes.
La visite des lieux permet d’appréhender un peu plus le quotidien des détenus, dont les cellules individuelles semblent être dans un état général correct, propres, entretenues et dotées depuis 2020 de téléphones filaires. L’administration a insisté sur l’intérêt de cet équipement pour permettre le maintien du lien familial, notamment lors de la période de confinement qui a conduit à la suspension des parloirs pour raisons sanitaires.
Nos échanges avec les personnels ont aussi porté sur le climat général dans l’établissement : la direction ne cache pas les difficultés éprouvées par le personnel pénitentiaire depuis plusieurs semaines, à la suite de plusieurs évènements graves :
- dans un contexte général où les troubles psychologiques sont de plus en plus perceptibles dans la société, la prison des mineurs n’y échappe pas ; un jeune s’est suicidé en avril dernier, il s’agit du second suicide à l’EPM depuis l’ouverture, le premier étant survenu en 2010.
- Des agressions à l’encontre des surveillants survenues en 2021 et en mai dernier ont conduit au transfert des détenus vers d’autres EPM. Les surveillant·e·s victimes, pour leur part, appréhendent leur retour au travail.
Nos échanges ont donc porté sur les modalités de formation des agents et de gestion des ressources humaines pour parer à leur éventuelle absence.
Je tiens à remercier l’ensemble des professionnel·le·s rencontré·e·s hier lors de cette visite pour ces échanges, ainsi que pour l’accueil réservé à la journaliste qui m’accompagnait, comme le permet également le code de procédure pénale disposant du droit de visite des parlementaires. Une pensée aussi pour les jeunes détenus pour lesquels la présence d’une petite délégation parlementaire a pu susciter quelques interrogations.
L’EPM d’Orvault en chiffres :
- Ouvert en 2008
- Effectif maximal de 49 détenus : 32 personnes sous écrou hier.
- Équipe pédagogique de 7 enseignantes et un proviseur, plusieurs salles de cours
- Un pôle socio-culturel avec bibliothèque, salle d’activités, une salle de musculation, un gymnase, un atelier de travail du métal, un jardin et un poulailler éducatifs.
- Un quartier disciplinaire de quatre cellules pour graduer la réponse carcérale en cas de comportement grave.