Retrouvez ci-dessous mon entretien accordé à Ouest-France dimanche, ce 16 octobre 2022 .

Le grand entretien. Avec Bernard Bonne (LR), Michelle Meunier, sénatrice socialiste, a présenté un rapport pour renforcer les outils de contrôle des Ehpad et au-delà sur la nécessité d’une loi Grand âge.
Michelle Meunier, membre de la commission des affaires sociales au Sénat et qui au passage nous a annoncé qu’elle ne se représentera pas aux élections sénatoriales et après deux mandats successifs, en septembre 2023, évoque dans cette interview, le contrôle nécessaire des Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), mais aussi la place des aînés dans la société.
Vous avez présenté avec Bernard Bonne, sénateur LR, un rapport intitulé « Ehpad, le contrôle au service des résidents : c’est possible ! » Cela signifie qu’aujourd’hui, il n’y a pas de contrôle !
Il y en a un tous les 20-25 ans, donc ça n’existe pas. Or cela fait partie de l’action pédagogique, politique. Le contrôle, ce n’est pas un gros mot.
Le but est de voir comment cela se passe en interne, pour les personnes âgées et les conditions de travail, mais cela consiste aussi à vérifier l’utilisation des fonds publics. C’est là, le cœur du scandale Orpea.
Le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet qui dénonçait le système Orpea, est à l’origine de votre rapport. Cette affaire vous a-t-elle surprise ?
Ce livre a été une déflagration. On se doutait qu’autour du foncier, il y avait des opérations immobilières juteuses, fructueuses. Mais que l’argent public destiné aux soins et à l’accompagnement de santé soit thésaurisé pour, au final, gonfler les dividendes des actionnaires, c’est inadmissible.
Le problème financier avec Orpea n’est pas réglé ?
Le problème qui demeure, c’est le remboursement des sommes indues. Sur les 87 ou 85 millions d’euros, dont l’utilisation a été dévoyée, Orpea ne veut en rendre que 27. Mais, c’est de l’argent public, sur ce sujet, je ne lâcherai pas.
Comment faire donc pour améliorer le contrôle financier ?
D’abord, il faut le mettre en place puisqu’il n’existe pas. À Orpea, il y avait une certaine opacité et une organisation très pyramidale, avec une gestion nationale et même internationale, puisque cette société est présente dans une vingtaine de pays.
Chez Orpea, une directrice ou un directeur n’avait pas un vrai pouvoir sur le recrutement par exemple. Il était un/une super secrétaire, qui devait remplir des grilles de rentabilité. Ce qui comptait, c’était le taux d’occupation.
Pour éviter ces travers, les Ehpad ne devraient-ils pas relever du public ?
C’est une bonne question. Au départ, je me disais que j’allais avoir ce point de dissensus avec Bernard Bonne, parlementaire LR. Or, on a trouvé un consensus pour dire qu’il y a de la place pour le privé quand l’argent public est utilisé à bon escient et bien contrôlé.
Se pose aussi, que ce soit dans le public, l’associatif ou le privé, la question du taux d’encadrement. En France, nous sommes les derniers de la classe, avec seulement 0,6 personnel pour une personne âgée, là où il faudrait un pour un.
Ne faudrait-il pas alors instituer le droit de visite inopinée dans les Ehpad pour les élus, comme cela existe dans les prisons pour les parlementaires ?
On en a discuté, mais les Ehpad, ce n’est pas un lieu de privation de liberté. C’est un lieu de vie pour les personnes très âgées et vulnérables. Un élu local, dans son quartier, dans sa commune, peut y aller. Ce serait inutile de créer ce droit.
Mais, durant le Covid, les Ehpad sont presque devenus des lieux de privation de liberté ?
Cela a été très dur. Des familles n’ont pas pu assister leurs parents dans leurs derniers instants. Cela n’est pas de la faute des professionnels qui devaient faire face à des directives contradictoires. Au contraire, ils ont souvent utilisé le système D, par exemple, parfois leur téléphone personnel, en visio, pour maintenir le lien.
Pourquoi le contrôle des Ehpad n’a pas fonctionné jusqu’à maintenant ?
Le contrôle relève des ARS, Agences régionales de santé, mais leurs salariés le font, très peu, de manière permanente, dans le souci, semble-t-il, de diversifier leurs fonctions.
Quant à l’inspection du travail, chargée des salariés, elle est réduite à la portion congrue. Chaque année, des postes sont supprimés. En outre, chacun travaille dans son couloir. Par exemple, une famille peut signifier que dans tel Ehpad, depuis plusieurs semaines, il n’y a pas de remplacement. Si un inspecteur se déplace pour ce problème spécifique, il ne regardera pas la qualité des repas, etc. C’est très cloisonné.
Et que proposez-vous pour réformer les contrôles ?
On suggère qu’il y ait de la collégialité dans les contrôles, une vraie coordination à l’échelle nationale et dans chaque département. C’est le bon niveau. Travailler ensemble, actuellement, cela ne se fait pas et cela bénéficie aux malfaisants.
Quelle est la place des conseils de vie sociale ouverts aux familles, aux salariés ?
Leur fonctionnement est souvent au bon vouloir des directrices ou directeurs. La Loire-Atlantique est plutôt bonne élève. Nous proposons d’ouvrir ces conseils aux représentants d’associations de quartiers, de consommateurs.
La nécessité d’une loi Grand âge
Vous prônez dans votre rapport, un signalement systématique des événements indésirables, par exemple des faits de maltraitance. Cela n’existe pas déjà !
Non malheureusement. Trop souvent, les alertes, parfois des familles, sont diluées et sans effet. Il faudrait faire en sorte qu’elles remontent à l’échelle départementale, dans une cellule d’écoute, de recueil, comme cela existe pour l’enfance en danger.
Quelle place pour les résidents eux-mêmes ?
Ce rapport rappelle aussi la nécessité d’une loi Grand âge. L’idée, c’est : comment on arrive au plus loin dans sa vie, dans son domicile, son parcours résidentiel, de santé, social, dans les déplacements, etc. Sachant que très vite, se posera la question du financement. On estime qu’une loi Grand âge coûtera 10 milliards d’euros (en particulier pour rémunérer les personnes qui accompagneront des personnes en perte d’autonomie).
Quelle est la meilleure solution, les Ehpad, les résidences services, les logements partagés, la cohabitation, le domicile ?
Je suis pour la diversité et le respect du souhait de la personne, de son histoire personnelle. Et pour un parcours souple.
Propos recueillis par Philippe Gambert.