Le journal L’Humanité a consacré sa rubrique Débats du lundi 13 février à cette question : « Un an après Orpea, qu’est-ce qui doit changer ? ». Dans le quotidien, ma prise de position est accompagnée de la réponse apportée à la même question par M. Guillaume Gobet, membre de la fédération santé CGT et ex salarié d’Orpea. Vous trouverez ci-dessous la tribune que je signe.
Il faut instaurer une redevance sur les bénéfices des ehpad privés, contenir leur part dans chaque territoire et conforter l’offre d’établissements publics
La parution des Fossoyeurs a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique. Contraints de regarder droit dans les yeux les conditions de prise en charge des personnes en perte d’autonomie, nous mesurons l’exigence de régulation, en particulier pour ce secteur lucratif.
Certes, nous avions vu nos familles, nos proches résidant en ehpad ou y ayant terminé leur jours. Nous avions mesuré les difficultés éprouvées : trop peu de temps pour bien faire, le manque de personnel, les toilettes au lit et une douche hebdomadaire, la contention pour protéger, faute de pouvoir répondre à toutes les sollicitations. Nous savions que la malveillance des personnels était infime mais que les situations à risque de maltraitance étaient répandues.
Au parlement, nous avions relayé les alertes du secteur médico-social, leur dilemme éthique, appelant à renforcer les moyens humains et à financer solidairement la perte d’autonomie. Une loi grand âge avait été promise, repoussée. Nous proposions de développer l’accompagnement au domicile, car la majorité des personnes âgées préfèrent vieillir chez elles.
Le système était à bout ; un mur démographique s’élevait devant nous. Deux millions de personnes dépendantes en 2060, 50 milliards nécessaires pour leur prise en charge là où nous y consacrons 30 milliards aujourd’hui : 7 à la charge des familles et 23 de dépenses publiques, 1,4 % seulement du PIB. Nous savions qu’il faudrait doubler cette part de richesse commune consacrée au dernier âge de la vie. Cet effort permettrait d’embaucher des auxiliaires de vie, des aides-soignantes, pour atteindre une moyenne de 8 soignants pour 10 résidents.
Dans ce paysage, le scandale Orpéa nous ouvrait les yeux : de grands groupes d’ehpads lucratifs côtés en bourse prospéraient au détriment des conditions de travail des salariés, des conditions de vie des résidents et des comptes sociaux, mis à profit pour maximiser les dividendes.
Depuis un an, l’opinion publique dénonce à juste titre cette marchandisation et l’idée d’en tirer des profits. Je l’ai rappelé au Sénat, les ehpads lucratifs ne rémunèrent leurs actionnaires que s’ils s’occupent mal des personnes âgées. Puisque nous devons augmenter la part de dépenses publiques, assurons-nous que cette socialisation n’aille pas conforter le CAC 40. Le parlement a voté à l’automne un contrôle budgétaire renforcé pour ces groupes, la reprise des excédents indument constitués sur les dotations publiques.
Le ministre Combe croit en la capacité du secteur à s’autodiscipliner, nous devons aller plus loin pour le réguler : instaurer une redevance sur les bénéfices des ehpads privés ; contenir leur part dans chaque territoire et conforter l’offre d’ehpads publics ; revoir les mécanismes de défiscalisation qui portent le secteur commercial au détriment du public. En somme, des moyens humains à la hauteur et un appui assumé au secteur public.
