Les récents débats sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG ont ravivé les divergences sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Au-delà des clivages partisans, force est de constater que les réponses que notre société apporte à la santé et aux droits reproductifs et sexuels des femmes sont très insuffisantes. Il est de notre responsabilité politique de proposer des orientations fortes en matière de santé des femmes afin de prendre en compte toutes les pathologies gynécologiques et leurs impacts socio-économiques, en particulier dans le travail.
En cette journée de reconnaissance et de célébration des droits des femmes, je soutiens l’initiative portée par des associations de patientes qui s’engagent pour la reconnaissance des spécificités des droits à la santé des femmes.
La tribune du collectif d’associations ci-après est parue sur le site de l’association Collectif BAMP.
Une santé spécifique, des droits spécifiques !
Nous souhaitons rappeler, en ce 8 mars 2023 que de nombreuses associations de patientes agissent au quotidien et depuis de nombreuses années pour que la santé des femmes et les spécificités de cette dernière (fibromes, SOPK, endométriose, infertilité, maladies trophoblastiques gestationnelles, synéchies, Insuffisance Ovarienne Primitive, pré-éclampsie, hyperémèse gravidique, syndrome de congestion pelvienne) puissent enfin être prise en compte et faire l’objet d’une grande politique de santé publique dédiée.
Une femme sur quatre souffre de fibromes utérins ; une femme sur sept est touchée par le syndrome des ovaires polykystiques ; deux femmes sur dix sont touchées par l’endométriose, 30 % des jeunes femmes ont de l’adénomyose, 30 % des femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques sont atteintes du syndrome de congestion pelvienne, plus de 150 000 femmes sont traitées tous les ans pour des problèmes liés à leur fertilité[1], l’insuffisance ovarienne primitive a une prévalence de 1 à 4 % des femmes. Ces chiffres sont malheureusement en hausse. Certaines femmes ont le malheur de cumuler plusieurs de ces pathologies chroniques avec de l’infertilité.
Nous appelons les décideurs politiques à considérer la santé de plus de la moitié de la population Française comme une urgence. Dans nos engagements respectifs, nous constatons que les travaux qui s’étaient engagés sont à l’arrêt (stratégie endométriose), que ceux qui devaient commencer n’ont toujours pas de calendrier (rapport sur les causes des infertilités) et que des pathologies qui touchent de nombreuses femmes ne sont finalement pas officiellement incluses dans les travaux (fibromes, sopk, syndrome de congestion pelvienne).
En cette journée du 8 mars, nous souhaitons aussi interpeller le gouvernement et les entreprises sur la nécessaire prise de conscience de l’impact sur la scolarité, la vie professionnelle, la vie personnelle, la sexualité, l’estime de soi, sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, des pathologies spécifiquement féminines handicapantes et stigmatisantes. Les femmes touchées n’ont pas les mêmes chances et vivent un quotidien difficile. Certaines entreprises commencent à considérer ces spécificités en proposant des dispositifs particuliers : congés fausses-couches, congés endométriose, autorisation d’absence pour protocole d’AMP. Mais c’est loin d’être généralisé, trop de femmes souffrent encore en silence, vivent des discriminations, des licenciements pour leur santé. Il nous semble nécessaire que l’État se positionne clairement sur ce sujet, dans un travail interministériel (travail, égalité hommes-femmes, santé et prévention) pour impulser un changement de paradigme des entreprises vis-à-vis de la santé des femmes.
Par ailleurs, la santé des femmes, doit faire l’objet d’une grande stratégie nationale pour la recherche, la prévention, la prise en charge de toutes les pathologies gynécologiques. En 2020 le Haut Conseil pour l’Égalité publiait un rapport « Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner, un enjeu de santé publique », deux ans après où en sommes-nous ? Nos associations constatent tous les jours l’impact de la maladie pour les femmes concernées. Information, prévention, communication, financements, les constats fait par les associations sont les mêmes : besoin de campagnes d’information et de prévention spécifiques aux problématiques gynécologiques et maladies chroniques féminines, besoin de considérer toutes les pathologies et leurs impacts au même niveau, besoin de financements pour renforcer la recherche sur la santé des femmes. Besoin d’orientation politiques claires et complètes pour améliorer les formations initiales et continues, les diagnostics et les prises en charge médicale, mais aussi les impacts sociétaux de ces pathologies.
Associations signataires et co-signataires:
- Kelly LESCURE, présidente de l’association SOPK EUROPE
- Angèle MBARGA, présidente de l’association Fibrome Info France
- Virginie RIO, co-fondatrice de l’association Collectif BAMP !
- Laure Soetaert, présidente de l’association ASMT
- Céline CAMILLERI, présidente de l’association Grossesse Santé contre la pré-éclampsie
- Audrey TRANCHANT, présidente et Co-Fondatrice de l’Association de Lutte contre l’Hyperémèse Gravidique, Samantha MEDJANI JACQUOT, Trésorière et Émilie HINGRAY, Secrétaire
- Émilie SCHMITT et Nacira MARTIN, co-présidentes de l’Association du Syndrome de Congestion Pelvienne France
- Céline FERRARA, présidente de l’association Endomind France
- Madame Martine FILLEUL, sénatrice du Nord, vice-présidente à la Délégation aux Droits des Femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
- Madame Michelle MEUNIER, sénatrice de la Loire-Atlantique, membre de la commission des Affaires sociales.
- Madame Marie-Pierre MONIER, sénatrice de la Drôme, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
- Madame Déborah SCHOUHMANN-ANTONIO , thérapeute experte en périnatalité (infertilité et maternité), thérapeute conjugale et familiale, thérapeute en thérapies brèves (TCC), sexothérapeute et coach.
- Madame Prisca THÉVENOT, députée de la 8e circonscription des Hauts-de-Seine, membre de la commission des affaires sociales et de la délégation droits des femmes à l’Assemblée Nationale.
Pour en savoir plus :
Les pathologies gynécologiques décrites dans cette tribune sont développées en détail sur le site de BAMP.