J’ai apporté ma contribution au dossier Grand âge de La Revue du Trombinoscope, en vue de la réforme à venir sur le financement de la dépendance. Je vous invite à lire ma tribune publiée dans le numéro de mai 2023.
Depuis 2019, le grand âge et l’autonomie sont érigés en priorités par le gouvernement. Pourtant, le « virage social » du premier quinquennat n’a jamais été entamé. Une secrétaire d’État y a laissé son maroquin et perdu son siège de députée, conquis par l’extrême-droite. Le symbole est fort. Comment ne pas y voir le présage que tout renoncement se paie au prix fort, tandis que les attentes sont immenses d’un meilleur accompagnement des personnes très dépendantes ?
Le scandale Orpéa a dévoilé un tableau peu reluisant de leur prise en charge : des sociétés lucratives en roue-libre disputent des parts de marché aux ehpads publics ou associatifs. Leur modèle d’ultra-rentabilité conjugue négation de la dignité des personnes accueillies, nivellement par le bas des conditions de travail des professionnel·le·s pour tout le secteur et captation des dotations publiques au profit des actionnaires.
La situation impose de revoir en profondeur l’organisation de l’accompagnement du grand âge. Selon moi, il faut un effort financier accru permettant aux salarié·e·s de travailler plus sereinement, aux personnes âgées d’être traitées plus dignement, à leur domicile habituel ou à leur domicile en établissement, le tout dans le cadre d’une plus grande régulation des ehpads commerciaux. La société rejette fortement l’idée qu’un système organisant la maltraitance des aîné·e·s vienne nourrir des dividendes boursiers.
Ni le silence du gouvernement, ni les mesures cosmétiques de la proposition de loi Bien Vieillir ne répondent à ces enjeux. Le ministre Combe joue la montre, laisse entendre que le secteur va s’auto-réguler. Les majors des ephads privés fourbissent leurs armes, à grand renfort de responsabilité sociale ou de mission d’entreprise.
À gauche, l’appréciation du sujet est plus ambitieuse : le député Jérôme Guedj (PS) a déposé une proposition de loi fournie, qui reprend l’essentiel des nombreux états des lieux, notamment les trois rapports auxquels j’ai contribué au Sénat avec mon collègue Bernard Bonne (LR). Sa vision pose l’enjeu du vieillissement de la population en France et la nécessaire transition démographique. La société doit s’adapter, anticiper la perte d’autonomie et mieux accompagner, en créant des postes en établissement et au domicile.
Dans ce contexte, je souligne deux exigences : la place du handicap dans l’approche des politiques publiques d’autonomie et le piège d’un lien avec la réforme des retraites.
À ce stade, la question du handicap est écartée, ce qui provoque la déception des associations. Elle dénoncent, à juste titre, de longue date deux approches parallèles qui empêchent la levée des disparités de traitement dans la prise en charge de la dépendance selon qu’elle est liée à l’avancée en âge ou à la survenue d’un handicap, temporaire ou définitif.
Une chose est certaine, l’adaptation de notre société au vieillissement devra aller plus vite, les plans d’accessibilité étant ajournés depuis 2005.
Michelle Meunier
S’agissant des retraites, il n’est pas opportun de porter au débat public la perte d’autonomie des personnes âgées alors que le conflit social perdure. Le risque serait grand d’exploiter le sujet en laissant entendre que les lourdes concessions faites sur la durée des carrières permettraient un meilleur accompagnement du grand âge… Attention danger !
