Je suis intervenue en séance publique du Sénat ce mercredi 9 juin 2021, pour défendre, au nom des sénatrices et sénateurs du groupe socialiste écologiste et républicain, une proposition de loi Protection sociale globale déposée par mon collègue Rachid Temal, qui poursuit un objectif simple, rendre concrètes et palpables les aides auxquelles ont droit celles et ceux qui répondent aux critères retenus pour leur attribution.
« Nous savons que toutes et tous ne parviennent pas à s’en sortir, et, en même temps, nous mesurons que beaucoup de personnes qui pourraient être épaulées par la solidarité nationale – la redistribution de l’impôt – ou prises en charge par la sécurité sociale – la mutualisation des moyens de toutes et tous pour faire face aux besoins de chacun, de chacune – n’ont pas accès à ces aides faute de faire instruire leurs droits. Ce triste phénomène porte le nom de non-recours aux droits. »
Les simulations fleurissent dans les foyers de jeunes travailleurs (JFT) et elles ne rassurent pas sur l’avenir des jeunes actifs qui entrent sur le marché du travail.
Dès janvier 2020, les allocations personnalisées au logement (APL) vont subir une réforme de leur mode de calcul. Auparavant calculées sur la base des revenus de l’année N – 2, et allouées pour une année complète, elles seront désormais recalculées tous les trois mois et fondées sur les revenus des 12 derniers mois écoulés.
Si le gouvernement a pris la précaution de ne pas inclure les étudiant·e·s et les apprenti·e·s dans cette réforme du mode de calcul, les jeunes travailleur·euse·s seront concerné·e·s. Celles et ceux qui ne peuvent compter sur le soutien financier de leur famille, qui résident en foyer de jeunes travailleurs, seront durement touché·e·s par cette réforme.
Jusqu’à présent, le versement sur une année des APL à taux plein (parfois en parallèle avec les premiers versements de salaires) permettait aux jeunes de conquérir une autonomie, d’équiper leur foyer, d’acheter un véhicule… Désormais, la remise à jour tous les trois mois les privera de ressources précieuses. Les professionnel·le·s des FJT parlent d’un effet « starter pack », un coup de pouce à l’entrée dans la vie active, à la première installation qui risque de s’éteindre.
Prenons l’exemple d’une jeune de 20 ans habitante d’une résidence sociale à Nantes (elle verse une redevance de 400 € /mois) : elle était sans ressources en 2018, ce qui lui permet de bénéficier des APL à hauteur de 366 € par mois. En 2019, elle perçoit un salaire à temps partiel de 654 € mensuels, en 2020 ce salaire sera revalorisé à 775 € par mois. Avant réforme, elle aurait eu un reste à vivre de 741 € par mois. Avec l’application de la réforme, ce reste à vivre va chuter de trimestre en trimestre entre 573 € et 540 € par mois, faisant plus qu’annuler la revalorisation de son salaire.
L’économie réalisée sur un an s’élèvera à 2 214 € aux dépens de cette apprentie.
Cet arbitrage gouvernemental pourrait générer 1,5 milliard d’euros d’économies pour les allocations familiales et concerner près de 600 000 jeunes perdant·e·s.
Cette réforme va à contre-courant des mesures annoncées par le gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, mais comment s’en étonner ?
Le mardi 3 décembre au Sénat, le sénateur socialiste d’Ille-et-Vilaine Jean-Louis Tourenne a défendu un amendement socialiste en faveur de l’augmentation du budget logement pour permettre le versement des APL plancher pour les moins de 25 ans précaires.
Photos : CAF de Loire-Atlantique, photo prise par l’équipe parlementaire. Sénat : capture d’écran http://videos.senat.fr/.
Edit du 06/12/2019 : la première version de ce billet mentionnait l’exemple d’une apprentie et expliquait que la réforme du mode de calcul s’appliquait à cette population. Après vérification, il s’avère que les apprenti·e·s en sont exclus. L’exemple a été retravaillé pour évoquer la situation d’une jeune active à temps partiel.