Grand âge, une loi patinée par les ans, un gouvernement qui patine

Bandeau trombinoscope

J’ai apporté ma contribution au dossier Grand âge de La Revue du Trombinoscope, en vue de la réforme à venir sur le financement de la dépendance. Je vous invite à lire ma tribune publiée dans le numéro de mai 2023.

Depuis 2019, le grand âge et l’autonomie sont érigés en priorités par le gouvernement. Pourtant, le « virage social » du premier quinquennat n’a jamais été entamé. Une secrétaire d’État y a laissé son maroquin et perdu son siège de députée, conquis par l’extrême-droite. Le symbole est fort. Comment ne pas y voir le présage que tout renoncement se paie au prix fort, tandis que les attentes sont immenses d’un meilleur accompagnement des personnes très dépendantes ?

Continuer la lecture de « Grand âge, une loi patinée par les ans, un gouvernement qui patine »

Un an après Les Fossoyeurs, quel encadrement des ehpads lucratifs ?

Devanture de l'ehpad Orpéa Ile de Nantes à Nantes, le 25 janvier 2023

Je suis intervenue ce jour au Sénat lors de la séance de questions aux gouvernement, pour interroger le ministre des solidarités et de l’autonomie sur les moyens et le contrôle des ehpads.

Un an après la parution de l’enquête Les Fossoyeurs, par Victor Castanet, les dérives inacceptables du groupe Orpéa ont été décryptées, analysées et le groupe encourt des sanctions financières.

J’ai animé au printemps dernier les travaux du Sénat consacrés au contrôle des ehpads ; nous avons formulé de nombreuses recommandations pour encadrer l’activité des établissements, notamment dans le secteur lucratif, afin de contenir leur capacité à verser des excédents indus à leurs actionnaires : « les ehpads lucratifs devaient être mieux encadrés, puisqu’ils prospèrent du fruit des cotisations et de la solidarité nationale. »

« il faudra flécher une partie de la richesse crée dans notre pays vers la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie ; mais les Françaises et les Français ne souhaitent pas que cet effort consolide la cotation boursière des grands groupes d’ehpads »

Pourtant, des questions subsistent et je les ai adressées au ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe :

  • Entendez-vous nos concitoyen·ne·s qui espèrent plus d’attention et de soins pour leurs ainé·e·s ?
  • Entendez-vous les familles révoltées, à juste titre, des maltraitances parfois infligées à leurs proches ?
  • Entendez vous l’alerte de la Défenseure des Droits ?
  • Surtout, prenez-vous la mesure de l’attente des soignant·e·s ? Elles nous disent : « nous devons être plus nombreuses pour mieux travailler, pour cesser de nous éreinter, pour éviter d’être inaptes avant la retraite ».

L’absence d’examen d’une loi consacrée au Grand âge et à l’autonomie ne permet pas de répondre favorablement aux attentes de notre société, pourtant, les solutions sont connues : augmentation des moyens humains, à hauteur de 8 soignant·e·s pour 10 résident·e·s en moyenne, comme le souhaitent les professionnel·le·s. Ce renforcement nécessite un effort financier « mais les Françaises et les Français ne souhaitent pas que cet effort consolide la cotation boursière des grands groupes d’ehpads ».

Autonomie : immense décalage entre les attentes des familles et l’ambition du gouvernement

Le sénat vient de débuter l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, après un examen écourté par l’usage du 49-3 à l’Assemblée nationale.

Je suis intervenue en ouverture de nos débats pour porter l’analyse des sénatrices et sénateurs socialistes sur la cinquième branche de la Sécu, consacrée à l’autonomie. Instaurée en 2020, cette cinquième branche peine depuis à développer ses missions et son budget. Cette année encore, les rares mesures mises en avant par le gouvernement ne permettront pas de répondre aux besoins exprimés par la population confrontée au handicap ou au vieillissement. Le manque d’ambition du gouvernement est flagrant et laisse place à un « immense décalage entre les attentes de la société et la réalité de ce budget ».

J’ai toutefois salué l’introduction de dispositions relatives au renforcement du contrôle financier des ehpads, ainsi qu’à la mise en place d’un accompagnement au lien social pour les personnes âgées dépendantes « manière de reconnaitre les vertus de l’attention au-delà du seul soin physiologique ».

« votre gouvernement ne pourra pas s’en sortir en proposant de
mettre un col roulé à toutes les personnes âgées de nos ehpad…
il n’y a pas assez de personnel pour cela. »

Le changement du paysage de la prise en charge de la perte d’autonomie ne passera que par l’examen d’une loi grand âge et autonomie. Cette loi permettrait de « mettre fin aux injustices face à des incapacités similaires survenues à différentes périodes de la vie ».

Face au gouvernement, j’ai également rappelé la situation alarmante exprimée par le secteur médico-social :

  • Le texte du gouvernement ne répond toujours pas aux exclu·e·s du Ségur (métiers administratifs et logistiques, notamment),
  • Il ne renforce pas l’attractivité de métiers pourtant dangereux « les aides-soignantes s’y épuisent plus que les travailleurs du BTP ».
  • Les 3 000 recrutements affichés dans les ehpads ne représentent même pas un demi poste par établissement.
  • L’inflation n’est pas prise en compte par les prévisions de dépenses médico-sociales « le gouvernement ne pourra pas s’en sortir en proposant de mettre un col roulé à toutes les personnes âgées de nos ehpad ».

Durant les prochains jours, nous procéderons à l’examen des articles et défendrons les amendements des sénatrices et sénateurs socialistes : des moyens nouveaux et des contributions nouvelles, assises sur les dividendes et les bénéfices des ehpads privés, avec pour objectif de remédier aux manques de places et aux délais insupportables : « Les soignantes et les aidants s’épuisent, les familles attendent, agissons ! »

Pour soutenir le médico-social : changer la perception des métiers et étendre le Ségur pour toutes et tous

Manifestation Nantes 28 septembre 2022 Ségur médico-social

Je suis intervenue au Sénat ce jeudi 6 octobre lors d’un débat consacré à l’avenir du secteur médico-social.

Ma première intervention a rappelé que les personnels du secteur – des métiers à prédominance féminine – souffrent d’avoir longtemps été « naturellement » exercées par les femmes. En conséquence, les compétences exercées, la technicité des gestes, la responsabilité dans les relations humaines avec des personnes vulnérables sont sous-estimées et induisent de faibles rémunérations et des temps de travail scindés.

J’ai rappelé l’urgence de tourner le dos à cette vision rétrograde pour considérer à leur juste valeur les métiers du lien… les rémunérer en conséquence et permettre une meilleure attractivité du secteur.

« C’est historique et culturel, les fonctions du care souffrent d’avoir longtemps été « naturellement » exercées par les femmes ; moins un métier qu’une occupation, une inclination personnelle, une vocation, cette appréciation rend invisibles les compétences exercées, la technicité des gestes, la complexité des relations humaines construites avec les personnes vulnérables et leurs familles. »
Continuer la lecture de « Pour soutenir le médico-social : changer la perception des métiers et étendre le Ségur pour toutes et tous »

Interview : contrôler les dépenses d’autonomie pour éviter d’accroître des rentes

Le magazine spécialisé Géroscopie, destiné aux spécialistes de la gérontologie, m’a interrogé, dans le cadre des travaux que je mène actuellement au Sénat sur le contrôle des ehpad suite à l’affaire Opréa. Je reproduis ci-dessous cet entretien diffusé dans le numéro 138 du mois d’avril 2022.

Le Gouvernement a lancé en réaction à l’ouvrage de Victor Castanet un plan pour renforcer les contrôles dans tous les Ehpad de France. Qu’en pensez-vous ? Cette « action/réaction » n’est-elle pas un peu excessive ?

L’enquête de Victor Castanet a produit une onde de choc chez nos concitoyen·ne·s, saisi·e·s par l’émotion légitime que suscitent ces révélations. Bien des spécialistes de la perte d’autonomie, des familles et des soignant·e·s avaient déjà dénoncé des dysfonctionnements dans les établissements, mais cette mise à nu d’un système interpelle : des stratégies financières ayant pour unique but de maximiser le profit des actionnaires au détriment des conditions de vie des personnes âgées dépendantes et des conditions de travail des agents. Le gouvernement était sommé de réagir. L’annonce de contrôles systématiques de tous les EHPAD peut surprendre, dans la mesure où il n’est pas fait de distinction entre établissements, selon leurs statuts (publics, associatifs ou privés commerciaux) ou selon les alertes déjà remontées. Cette réaction vise surtout à masquer l’inaction de l’exécutif, qui n’a rien entrepris pour donner consistance à la cinquième branche de sécurité sociale.

Continuer la lecture de « Interview : contrôler les dépenses d’autonomie pour éviter d’accroître des rentes »

Sécu : la branche autonomie sourde aux besoins des personnes dépendantes et aux attentes des professionnel·le·s

2021-11-08 DG PLFSS autonomie

Depuis lundi 8 novembre 2021, le Sénat examine le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. J’ai présenté hier l’analyse du groupe Socialiste, écologiste et républicain sur la cinquième branche consacrée à la perte d’autonomie, créée en 2020, pour assurer le soutien aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées.

Au terme de sa première année de plein exercice, succédant aux missions précédemment assurées par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), cette branche manque toujours d’ambition. La loi Grand âge et autonomie, promise par le gouvernement depuis 2018, a été sans cesse repoussée, privant le Parlement de sa faculté d’en dessiner les missions et les modalités d’accompagnement.

Ce PLFSS consacre quelques articles à la politique de prise en charge de la perte d’autonomie, notamment réformant les tarifs des services d’aide à domicile, les missions des EHPAD, de façon totalement insuffisante pour envisager une politique universelle de prise en charge de la perte d’autonomie. Pourtant, les besoins sont criants, les personnels attendent d’être revalorisés après un Ségur inégalitaire, les financements manquent à hauteur de 10 milliards d’euros.

L’examen des articles dans les prochains jours donnera l’occasion d’avancer nos propositions d’amendements pour corriger le tir (voir ici l’ensemble des amendements déposés par les socialistes sur ce PLFSS).

« L’autonomie et la dépendance méritent toute notre attention, toute notre vigilance, parce qu’il s’agit d’humanité et de dignité. »

Sécu : un manque de vision pour la branche autonomie et le risque de renforcer les EHPAD lucratifs

Ce jeudi, lors de la commission des affaires sociales du Sénat consacrée à l’audition des ministres en charge des comptes publics et des affaires sociales, j’ai interrogé Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l’autonomie.

Je lui ai rappelé la grande déception du secteur de la prise en charge de la perte d’autonomie de n’avoir pas donné suite à la vieille promesse d’une loi Grand âge et autonomie. Sans cette loi, qui devrait structurer et réformer en profondeur les politiques sociales du vieillissement, les maigres aménagements proposés dans la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 manquent d’une vision globale.

Pire, j’ai souligné que « les mesures qui concernent les EHPAD font peser le risque d’un renforcement des EHPAD privés lucratifs », potentiellement les seuls en capacité de répondre aux appels à projet.

Continuer la lecture de « Sécu : un manque de vision pour la branche autonomie et le risque de renforcer les EHPAD lucratifs »

Après l’abandon de la loi Grand âge et autonomie, le gouvernement abandonne toute ambition pour les personnes âgées !

Ehpad domicile

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Nantes, jeudi 23 septembre 2021

Après l’abandon de la loi Grand âge et autonomie, le gouvernement abandonne toute ambition pour les personnes âgées !

Le premier ministre Jean Castex vient d’annoncer deux mesures en faveur de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie (création de 10 000 postes en EHPAD sur cinq ans et un tarif plancher national pour l’aide à domicile). Pour Michelle Meunier, sénatrice socialiste de la Loire-Atlantique, « ces annonces sont très loin de répondre aux enjeux du vieillissement de la population, aux attentes des Françaises et des Français, de leurs proches aidants et des professionnel·le·s. 10 000 postes, cela représente une hausse de moins de 3 %, il en faudrait au minimum 20 000 pour permettre une prise en charge bienveillante ».

La sénatrice doute de la portée de ces mesures pour améliorer le quotidien et l’attention portée aux personnes en perte d’autonomie : « il n’y a aucun changement de regard sur les personnes âgées en perte d’autonomie, sur leur isolement, aucun effort en faveur de la prévention, aucune remise en question des EHPAD alors que les personnes âgées veulent en priorité pouvoir vieillir chez elles, dans des logements adaptés. Le gouvernement ne fait aucun écho aux rapports Libault, El Khomry, Bonne-Meunier, Guedj, Broussy qui ont préparé la réflexion sur le grand âge et ses métiers. »

Le budget débloqué par le premier ministre – 420 millions d’euros – est à comparer aux chiffrages concordants : « on sait qu’il faudrait près de 6 milliards d’euros à partir de 2024, 9 milliards à partir de 2030… on en est très loin ».

Ce contraste entre une loi ambitieuse claironnée de longue date et ces annonces a minima renforcent les inquiétudes de Michelle Meunier : « Le gouvernement a prétendu que la loi Grand âge et autonomie répondrait au double enjeu de vieillissement démographique de la population et de renforcement de la qualité de l’accompagnement. Au cours de l’été, il a renoncé à présenter ce projet de loi, abandonnant ses ambitions. La cinquième branche de sécurité sociale créée en 2020 restera une coquille vide. Je crains qu’un système de complémentaire-autonomie vienne privatiser l’accompagnement des dernières années de la vie… pour celles et ceux qui en auront les moyens ».

Michelle MEUNIER
Sénatrice de la Loire-Atlantique
Membre de la commission des Affaires sociales
Membre du groupe socialiste