Plein emploi, le Gouvernement s’attaque aux pauvres mais pas à la pauvreté
Les sénatrices et sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) se sont opposés au projet de loi pour le plein emploi. Ils dénoncent l’acte III de la casse sociale organisée par un Gouvernement qui stigmatise toujours plus les demandeurs d’emploi les plus précaires.
Après la réforme de l’Assurance chômage, après la réforme des retraites, le Gouvernement s’attaque au Revenu de solidarité active (RSA). Sous des dessous cosmétiques, le « plein emploi » du Gouvernement est une réforme adéquationniste.
Mardi soir, le sénat a achevé l’examen d’un projet de loi pour le plein emploi. Comme souvent avec ce gouvernement, le leurre de l’intitulé ne résiste pas longtemps à l’analyse.
Les principales dispositions du texte visent à concrétiser l’annonce présidentielle de transformer Pôle Emploi en France Travail. Une ambition claironnée : réunir sous un même étendard les différentes structures chargées d’accompagner les demandeurs d’emploi (Pôle Emploi donc, mais aussi les Missions locales, spécialisées dans l’accompagnement des 16 – 25 ans éloignés de l’emploi, Cap Emploi, accompagnant les personnes dont la qualité de travailleurs handicapés est reconnue…), les collectivités, les organismes paritaires financeurs, le réseau associatif. Autre objectif du gouvernement, obliger l’ensemble de personnes bénéficiaires du RSA à être inscrites comme demandeurs d’emploi. Sans considération pour la réalité concrète du chemin qui leur faut parcourir pour arriver sur le « marché de l’emploi », lever des freins géographiques, sociaux, compenser des vulnérabilités liées une vie précaire, un état de santé dégradé… un chemin souvent plus long que simplement « traverser la rue ».
En en contrepartie de cette inscription obligatoire, l’adhésion à un contrat d’engagement et l’obligation d’« exercer des devoirs » pour bénéficier de droits ouverts. D’inspiration clairement néolibérale, ce projet gouvernemental a été rendu plus abrupt encore par la majorité Les Républicains au Sénat, qui s’est empressée de fixer dans la loi l’exigence d’une durée d’activité hebdomadaire d’au moins 15 heures !
Avec mes collègues socialistes et l’ensemble de la gauche sénatoriale, nous avons voté contre ce projet de loi. Émilienne Poumirol, au nom des sénatrices et sénateurs socialistes, a dénoncé « une vision adéquationniste, un contrat d’engagement déséquilibré, un renforcement des contrôles et des sanctions qui fait porter la responsabilité du chômage sur les plus fragiles, au risque de diviser encore la société ». Elle s’est en outre inquiétée « de la sous-traitance auprès d’entreprises privées et de la marchandisation qui en découlera ».
En ce qui me concerne, j’ai pris part à ces débats lors de l’examen de l’article 10 du projet de loi. En effet, le gouvernement a tiré prétexte de la recherche du plein emploi pour préciser le cadre d’un service public de la petite enfance, dont il souhaitait confier la compétence aux communes. J’ai critiqué la manœuvre consistant à n’envisager l’accueil des jeunes enfants qu’au motif de renforcer le retour à l’emploi des parents – le plus souvent les mères. D’une part, le gouvernement se contente de traiter le frein à l’emploi lié à la « garde » des enfants, il néglige nombre d’autres facteurs : mobilité, logement, santé, lien social…
« Les freins au retour à l’emploi sont multiples, ils auraient mérité une projet de loi Favoriser le retour à l’emploi. »
J’ai ainsi rappelé quelques fondamentaux : « pour les hommes et femmes politiques de gauche, le service public de l’enfance, c’est une réponse éducative à une question éducative, gage d’émancipation et de réduction des inégalités sociales et des inégalités de destin figées à la naissance. » J’ai critiqué la vision utilitariste de ce gouvernement, j’ai appelé à conforter la dimension sociale du secteur de la petite enfance, à interroger ce pseudo service public reposant sur des logiques lucratives et en oubliant de parler des professionnelles de la petite enfance !
« C’est par l’éducation qu’on permet aux enfants de s’émanciper, de se construire. Que la rencontre de l’altérité, la socialisation permettent d’acquérir très jeune les clés de la vie sociale. Ces convictions, je les ai partagées ici avec d’anciens collègues, je pense au pédiatre Claude Dilain, au principal de collège Jean-Louis Tourenne. Comme eux, je suis convaincue que l’attention portée aux enfants et à leur famille est une clé pour réduire les inégalités de naissance. Je mesure donc l’immense écart qui réside entre ces dispositions de gouvernance et la grandeur des missions dont nous discutons. »